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Incendies au Sud-Kivu : Mythes ou réalités, les causes

Des cas d’incendie se succèdent du jour au lendemain dans la ville de Bukavu et dans certains territoires de la province du Sud Kivu à l’Est de la RDC.

Cette situation qui est devenue récurrente surtout pendant la période de la saison sèche, laisse la population de cette province dans une inquiétude permanente, car l’on se demande dans quel territoire, commune ou quartier est braqué le prochain viseur de l’incendie. Quel coin partira en fumée lors du prochain incendie ; s’interrogent certains habitats qui vivent dans la frayeur.
Mais un peu plus loin, un certain nombre de questionnement sur la persistance des cas d’incendie dans la ville et dans certains territoires se pose à ce niveau dont la plus grande est celle de savoir les véritables causes de ces incendies en répétition, car en effet, l’on ne saurait pas trouver des solutions aussi durables que ce soient sans qu’on n’en sache les causes et les responsabilités.
Situation précaire des sinistrés après les récents incendies à Bukavu.
Depuis le début de l’année 2019, la province du Sud Kivu a déjà enregistré de dizaine de cas d’incendie qui a occasionné d’importants dégâts humains et matériels.

Environs mille maisons d’habitations et de commerce ont été réduites en cendre sur l’ensemble de la province avec plus de trente cas d’incendie. La ville de Bukavu compte à elle seule plus de 20 cas depuis le début de l’année.

La commune de Kadutu dite commune mère a été la plus touchée avec de cas d’incendie à répétition, soit plus de 10 cas. L’incendie du 30 juin sur avenue Camp Zaïre et celui du 10 septembre à Nyamugo ont été les pires en terme de bilan matériels, tandis que celui survenu à Mulengeza dans le quartier Panzi, en commune d’Ibanda dans la nuit du dimanche au lundi 3 septembre a été le plus meurtrier car ayant causé la mort de six personnes d’une même famille.

Dans les territoires, le bilan matériel était lourd, mais aucune perte en vies humaines n’a été enregistrée ; indiquent nos sources. Signalons que tous ces incendies déclarés dans la ville de Bukavu comme dans le Sud Kivu profond ont laissés derrière eux des milliers des personnes sans-abris et vivent dans des conditions inhumaines.

Les causes des incendies

Plusieurs causes sont à l’origine de ces catastrophes ; indiquent nos enquêtes menées dans différents quartiers de la ville de Bukavu, victimes de ces incendies. Parmi elles, on note : l’explosion démographique et la non urbanisation de la ville.

La ville de Bukavu compte aujourd’hui environ 2 millions d’habitants alors que cette dernière ne devrait accueillir environ 300 milles habitants ; avait déclaré l’ancien gouverneur du Sud Kivu, Norbert Katintima faisant allusion à l’ancienne carte d’urbanisation de l’époque coloniale. Construite à cette époque, Bukavu jadis appelée « Bukavu la verte », a perdu son image. Elle fait face aux multiples défis, notamment celui lié à l’urbanisation, à la non extension de la ville, par la création de nouveaux lotissements. L’exode rural s’ajoute à cette cause suite à l’insécurité à l’intérieur de la province.

Plusieurs observateurs croient à l’inefficacité du service de l’urbanisation et habitant, celui de la protection civile, et celui du cadastre qui sont pointés du doigt dans l’exécution de services qu’ils rendent à la population. Bien que les responsabilités soient partagés, en estiment d’autres, les constructions anarchiques signalées ici et là dans la ville en est une preuve : des maisons construites les unes des autres et parfois sur des sites impropres à la construction sans respect des normes urbanistiques. Ces situations font que quand une maison brûle, du coût le reste des maisons prennent également feu.

Ainsi donc, la promiscuité des maisons, entassées les unes aux autres est l’une de causes majeures de la lourdeur de bilan en cas d’incendie à Bukavu. Dans ce cas précis, le bilan s’alourdit étant donné que les interventions n’arrivent pas, suites à ces constructions anarchiques. Les gens ne laissent pas d’espace entre leurs maisons, bloquent même les servitudes, et tout cela sous l’œil impuissant des autorités compétentes.
En claire, l’absence d’une politique des gestions de catastrophes, la faible socialisation de la population sur les causes des incendies et leur mode de gestion en sont aussi des majeures raisons.
Certaines victimes renseignent que les produits flammables gardés dans les maisons sont une des causes ; c’est le cas de l’incendie du 30 juin dernier survenu à Camp zaïre. Dans d’autres coins, ce sont de mauvaises installations des câbles du courant électrique et l’ignorance des membres de familles qui laissent les braséros allumés ; c’est le cas de l’incendie survenu au quartier Latin, en commune d’Ibanda.

Suite à la pénurie du courant électrique à Bukavu, la population fait recours aux énergies solaires. Selon le chef du quartier Kasali, réagissant à l’incendie survenu vers le petit marché « Limanga », l’explosion de la batterie des panneaux solaires serait à l’origine. Nos enquêtes indiquent en plus que d’autres cas sont causés par l’utilisation des bougies et des forces magiques.

Quelques recommandations
Le renforcement des mécanismes de réponses à ce fléau est de muse. Les solutions aux problèmes électrification devront être gérées par des techniciens professionnels.

Par le passé, aucune installation électrique ne pouvait se faire avant de présenter le plan d’installation à la Société Nationale d’Électricité, SNEL et en obtenir l’approbation. Cela permettait à cette société étatique de distribution du courant électrique de vérifier si les installations répondent aux normes, ce qui, malheureusement n’est plus le cas aujourd’hui.

Il serait ainsi important qu’une éducation et une sensibilisation des dirigeants et de la population aux fins d’une bonne urbanisation à Bukavu. L’on se demande également si la mairie dispose en ces jours d’une cartographique actualisée de la ville.

Au gouvernement provincial et ou national de créer de nouveaux lotissements ou alors valoriser ceux de Nyantende et de Kashusha dans le territoire de Kabare.
En effet, depuis quelques années, un projet de désengorgement de la ville a été monté, mais plus d’un observateur se pose la question sur l’évolution de ce dernier. Ce projet visé l’élargissement de la ville de Bukavu grâce au lotissement de Kashusha au nord et de Nyantende au sud de la ville, dans le territoire de Kabare.

L’aboutissement de ce projet permettrait à la ville de transpirer, elle qui est aujourd’hui victime d’un exode rural, et surpeuplée jusqu’à environ 2 millions d’habitants et lui évité ces genres de catastrophes répétitives qui laissent de milliers de familles sans abris et qui vivent dans des conditions déplorables.

Congo Witness recommande en plus aux autorités politico-administratives de doter aux villes du Sud Kivu les engins anti-incendie, et enfin limiter les constructions anarchiques surtout sur des sites impropres à la construction.

A la population du Sud-Kivu de demeurer vigilante face aux produits flammables, et de se méfier de agents de cadastres qui octroient frauduleusement les parcelles sur des sites impropres à la construction.

Pascal D. NGABOYEKA

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